Le monologue du maître de français
O rage ! ô désespoir ! ô vile pandémie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne me suis-je au cours de ma carrière instruit
Que pour voir en un jour tous mes efforts détruits ?
Mes cours qu’avec respect tout le gymnase admire
Cours qui sur les esprits exercent leur empire,
Discours enthousiasmants ensorcelants laïus,
Me trahissent à l’heure où triomphe un virus.
Nouvelle épidémie à mon emploi fatale,
Le savoir écrasé par l’infection virale !
Les élèves muets dans des lieux isolés
Apparaissent sur Zoom le regard désolé
Les cheveux en bataille et la mine effarée
Cherchant à retrouver leur conscience égarée.
Et moi dans mon logis confiné sans espoir
Nostalgique du temps où l’Auguste Piccard
Accueillait ses troupeaux d’euphoriques élèves
J’attends que du combat l’on décrète la trêve.
Éloigné désormais de mes frères humains
Héros vaincu je crois aux glorieux lendemains
Et m’amuse parfois en baillant aux corneilles
Sans gêne à parodier le style de Corneille.
Olivier Blanc